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Lectures et élucubrations de Liliba
18 avril 2010

Les cochons sont lâchés - Frédéric DARD (SAN-ANTONIO)

 

acochonsSi un jour on te demande quel est le plus gaulois des San-Antonio, le plus vert, le plus salingue, le plus rabelaisien, le plus scatologique, le plus grivois, le plus too much, réponds sans hésiter que c'est " les cochons sont lâchés ". Peut-être parce que c'est le seul où San-Antonio ne joue aucun rôle, sinon celui du romancier ? Dans ces pages paillardes, Béru et Pinuche sont lancés seuls à l'aventure, afin de dénouer une ahurissante affaire. Mais le pénis " hors paire " de Bérurier sera leur braguette de sourcier. Grâce à cet appendice exceptionnel, ils franchiront tous les obstacles ! Comment ? Lis et tais-toi ! L'heure est grave ; l'heure est folle : les cochons sont lâchés ! Retiens ton souffle, ma jolie. Et surtout ne déboucle pas ta ceinture si tu ne veux pas qu'il t'arrive un turbin !

 

Vous pouvez retrouver aujourd'hui même un billet sur ce roman chez Sandrine et chez TulisquoiTulisquoi qui ont elles aussi osé braver les cochons. Et bien sûr chez Daniel qui est l'instigateur de ce challenge San-Antonio.

Lectures_communes

 

Dans cette enquête de San-Antonio, qui, précisons-leprécisons-le, se passe en son absence, se trouvent un nombre de scènes très suggestives plus que conséquent (en fait, dès que l'un des deux enquêteurs croise une personne du sexe opposé...). N'ayant pas vraiment envie de voir arriver sur mon blog tous les pervers de la blogosphère, et passer de la catégorie "littéraire" à la catégorie "adulte", je vais restreindre le nombre d'extraits, ou en tout cas ne pas vous donner les plus croustillants ou salaces. Z'avez qu'à lire ce livre !

Le ton est donné dès le tout début du livre, mais au vu de la quatrième de couverture, on s'en doutait un peu... : "Le vit, c'est la vie", au moins, c'est clair dès le départ ! Il faut dire que le sieur Béru est pourvu d'un appendice tout à fait hors norme, ce qui peut éventuellement expliquer sa propension à la gaudriole. Mais admettez avec moi qu'un engin de quarante centimètres, ça ne se rencontre pas à tous les coins de rue... "Là, y a pas à tergiverser : c'est THE bite, un point c'est tout ! C'est du tout premier choix, de l'exceptionnel, l'outil du mâle hors catégorie. De l'inclassable sur l'échelle des valeurs. Presque du matériel de cirque." Chers amis lecteurs, messieurs les blogueurs, sachez que je ne tiens pas du tout à vous fichez des complexes, mais... Ce qui fait que Bérurier a du coup des besoins assez importants : "J'sus un mec normal, moive ! Faut qu'je lime trois quat' fois par jour, comme tout un chacun, ma gosse ! Sinon, j'ai la marmite norvégienne qu'explose !" mais malgré tout, une certaine morale, eh oui, chers lecteurs, ce trousseur de jupons n'est pas si mauvais qu'il en a l'air : "... commercer d'ma bite, franch'ment, je pourrerais pas. C"t'un cadeau du Ciel, comprends-tu-t-ilcomprends-tu-t-il ? J'ai l'd'voir d'l'donner, mais l'interdiction d'l' vend', ça m'déshonneurerait !".

L'auteur lui-même tient à le souligner, car il apparaît parfois dans le texte pour donner son avis sur telle personne ou telle situation, un rien moqueur et ironique : "Béru, je vais te dire : c'est une nature. Faut pas se choquer. C'est l'étalon homme. Chez lui, la sève l'emporte. L'assouvissement constitue son art de vivre. Il voit pas les choses autrement. La nature lui a accordé un sexe monumental qui fascine les femelles, alors il l'utilise. Il considère la baise comme une mission sacrée. Une espèce de service qu'il doit à l'humanité cahotique. Il est un maillon de la chaîne. Il transmet. Sa semence, même quand elle se perd en des chattes de mauvais aloi est un dépôt qu'il restitue. Le Seigneur est au courant et aime Alexandre-BenoîtAlexandre-Benoît Bérurier. Qui sait si notre ami ne sera pas canonisé un jour ? Il a tout pour mériter la sainteté. Il choque beaucoup, mais seulement les cons, ce qui n'est pas grave. Choquer un con, c'est le conforter dans son bonheur d'être con ; c'est apporter de la connerie à son moulin."

Quand à Pinaud, il a aussi ses qualités : "M'sieur Pinaud, question d'la tyrolienne de broussaille, c'est la valeur sûre !"

Dans ce roman, l'absence de San-Antonio ne nuit pas vraiment à l'intrigue, puisque Béru et Pinaud arrivent parfaitement à dénouer les fils de l'affaire et faire triompher la justice. L'histoire est assez basique au début, mais nous emmène ensuite vers moults rebondissements : Madame Bérurier, en vacances en Argentine avec son amant appelle son mari à la rescousse car le jeune homme vient d'être emprisonné pour le meurtre d'une femme, qu'il nie avoir commis. Les deux compères s'envolent pour ce pays exotique et d'indice en indice (et de paires de fesses en paires de seins) réussissent à innocenter l'amant et punir les vilains coupables.

Bérurier est même très fier d'avoir réussi à démêler cette intrigue : "Quand on va raconter tout ça, à l'Antoine, fait le Mammouth, y va s'poignarder l'cul av'c un'saucisse, d'la manière qu'on s'démerde nickel sans lui ! On suit not' p'tit bonhomme Mich'lin et on dépiaute toutes les énigmes ! A nous deux, on l'vaut t'haut la main ! Et sans rouler des mécaniques. On a le trionfle modeste, moi et toi, PinocchioPinocchio. On pète pas des pendules sous prétesque qu'on décortique la vérité." Eh oui, car le saviez-vous, "Une enquête m'née par Béru, tous les malfrats l'ont dans l'cul !". Paraît qu'c'est l'président Mitterrand qu'aurait trouvé ça, un jour, pendant l'Conseil des miniss."

 

Mais je ne crois pas qu'on lise San-Antonio (uniquement) pour ses intrigues, même si dans certains de ses romans elles sont fort bien ficelées. Non, on le lit pour le plaisir de la langue (euh, si je puis m'exprimer ainsi, c'est tout à fait vrai pour ce livre-ci !), pour ses néologismes, mots d'argot, trouvailles d'écriture qui parsèment le texte. C'est drôle très souvent, bien que parfois un peu lassant : le langage de Béru est dans ce roman particulièrement difficile à suivre, on le croirait presque à la limite de l'illettrisme... ! Cela dit, et là je rejoins l'avis de TulisquoiTulisquoi sur un autre roman de Frédéric Dard, je suis en admiration devant la maîtrise de la langue française de l'auteur : pouvoir ainsi jouer avec les mots, le sens, s'amuser autant n'est possible que si on est capable d'écrire avant tout parfaitement bien en "beau français". Et l'auteur s'amuse, il nous balade au gré de ses envies (et des envies cochonnes de Béru) et nous passons d'un paragraphe totalement argotique à une description presque poétique.

Madame Bérurier avoue son amour à son homme : "Tombe pas dans l'éguesagérationl'éguesagération, Sandre. Certes, j'sus une pauvre femme avec des faiblesses, beaucoup d'faiblesses. J'ai du tempérament, qu'veux-tu ! Mais la faute à qui ? Qui c'est, l'mec qu'a su m'embraseser l'essence ? Il s'appelle comment est-ce ? Hmm ! Oui : Béru ! Y m'arrive d'papillonner et de prend' des pafs, mais d'coeur je t'ai resté fidèle. J't'aye dans la peau, Sandre. J'sus amoureuse de toi pour la vie. Et si tu mourrirais, bien sûr, j'm'ferais encore sauter, mais j'me remarierais jamais !"

 

Et quelques pages plus loin, un début de chapitre très descriptif, poétique, on n'imagine pas un instant être dans le même livre : "Lac immense sous un ciel plombé, presque noir, dans lequel passent des vols de flamants nacrés, de marabouts à aigrette et de poules d'eau. De temps en temps, l'un de ces vols plonge en flèche et s'abat dans les roseaux. Le pampero (le vent de la Pampa) se met à souffler en tempête ; sa violence croît avec une telle furie que la nature semble prendre un coup de folie." 

ou encore, nostalgique : "Ils attendent dans la fraîcheur de la gentilhommières. J'aime ce mot désuet et fringuant qui parle d'un jadis heureux. Il reste des gentilhommières encore, çà et là. Mais des gentilshommes, dis-moi ?"

 

Ou interrogateur, car l'auteur aime prendre son lecteur à parti, mais vous pouvez remarquer malgré le début du paragraphe très policé, la dérive très nette : impossible de rester sérieux bien longtemps chez Frédéric Dard, qui ne peut s'empêcher de glisser ici et là un mot cochon, un trait d'humour ou une satire... "Pourquoi créature de rêve ? Tu veux le savoir, ami lecteur ? Parce que ! Parce qu'elle est jeune. Parce qu'elle est blonde infiniment. Parce qu'elle a les yeux bleus en amande. Parce que sa bouche est plus appétissante qu'une jeune chatte. Parce que sa peau a la couleur de l'abricot .Parce qu'elle porte une salopette blanche maculée de peinture. Parce que, sous cette salopette, elle exhibe fièrement une poitrine de diva et enfin, enfin, parce qu'elle est enceinte et que, chose rare, sa maternité ajoute à son charme délicat. Il serait aisé d'ajouter un millier de "parce que", tous plus valables que ceux qui le précèdent, mais une telle énumération risquerait de faire chier la bite du lecteur, ce qui est gravement contraire aux habitudes d'une maison d'édition dont le principal souci est de divertir ceux et celles qui lui font confiance et qui, moyennant un prix des plus modiques, oublient pour deux ou trois heures : leur conjoint, leurs impôts, leurs maladies, la politique, les livres de M. Robbe-GrilletRobbe-Grillet, la photo de Canuet, la grève des chemins de fer, la guerre, les pets nocturnes de leur époux, les menstrues inopportunes de leur épouse, le "H" fumé par leur garçon, la vignette de leur voiture, la fugue de leur grande fille, l'encombrement des routes menant aux sports d'hiver, la baisse du dollar, l'abbesse de Castro, la baise de Castro, les autres cons, les autres salauds et le reste, tout le reste !"

 

 

Pour le plaisir, je vous dévoile les noms de quelques personnages de l'histoire :Mademoiselle Latouffe, Monsieur Legay-Ridon, Carmen Abienjuy qui aidera les compères à élucider cette affaire, Miguel del Panar, Don Alfredo Gigolo y Mantequilla y Platano del Bistougne y Merguez, cardinal de Ferney Blanca... L'auteur utilise également un nombre hallucinant de surnoms, petits noms pour ses deux héros, que je n'ai pas notés, tant il y en avait.

Il y a ensuite le vocabulaire : une vraie plongée dans le monde argotique, avec des mots jamais entendus de ma vie, mais qu'on comprend parfaitement au fil du texte et de l'action, souvent très imagée ! A vos dictionnaires : la moulasse, la babasse, paturons, les gnères, le dargeot, le corgnolon, la décarrade, la limouille, la gargane, la jalousance, canter, licebroquerlicebroquer, viandasser, les cagouinsses, en manque de chibre... Et ce n'est qu'un microscopique aperçu !

Et ce qui personnellement m'amuse le plus, les fameux néologismes ou jeux de mots de l'auteur : se désenchiasser le regard, il le déportièrise, on va vigiler, il va-et-viente, oraisonfunèbre-t-iloraisonfunèbre-t-il, les premiers accords langourent déjà, une pantagruellie, les gauchos se déchevalent; Que faisons-nous ? dubitative l'Ancêtre, la raie culière, sa bouche s'est béantée...

 

Bref, comme vous le voyez, lire San Antonio, c'est entrer dans un univers tout à fait particulier, un mélange de sexe, de jeux de mots, d'argot, de drôlerie... Je ne pense pas en lire très régulièrement, mais j'ai vraiment apprécié cette lecture, que j'ai faite avec beaucoup de sérieux, voyez d'ailleurs mon livre en fin de lecture, bourré de post-its, car comme je veux l'envoyer à Cécile à qui il était destiné à la base, je ne voulais pas le barder de traits de crayons.

P1060644

 

 

d_fi_San_Antonio

 

 

P1060644

 

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Commentaires
L
@ Mami Michèle, on m'a effectivement parlé de ce livre qui semble être vraiment poignant. Il parait qu'elle a été pendant assez longtemps en véritable immersion et que ce qu'elle raconte, elle l'a vécu ! Je pense le lire un de ces jours.
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M
je viens de lire le témoignage de Florence Aubenas:sur le quai de ouistreham .......bouleversant , sur le monde du travail précaire , sur les personnes qui nettoient les toilettes , les campings ou les ferries .....plus jamais je regarderai une femme de ménage industriel de la même façon .....elles doivent aller tellement vite qu'elles ne peuvent fignoler .....elles ont l'air tellement fatiguées ....
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L
@ DF, je vais intercaler pour ne pas risquer l'overdose !<br /> <br /> @ Canel, ah tu m'as eue, je pensais y échaper !<br /> <br /> @ Cécile, il est prêt à partir, mais comme tu n'es pas là, j'en prends encore un peu soin...
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C
Ma cochoncitude forcenée fait que j'ai évidemment hâte de découvrir ce San A à mon retour de guinée
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C
Géniale, la couv' !<br /> PS : ton gentil comm' mérite une récompense !... le tag "une histoire de PAL" ! si tu veux, bien sûr ! je t'ai rajoutée dans la liste !
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