L'argent a été viré sur votre compte - Dimitris SOTAKIS

Cela ressemble aux spams que nous recevons en masse sur nos boites mail : rien à faire, beaucoup d’argent à gagner, fortune facile et sans effort…

Et c’est ce que se dit le héros (sans nom) de cette histoire assez intrigante. Il est sans boulot depuis pas mal de temps, végète beaucoup et se promène dans la ville pour passer le temps, rend visite à sa mère malade en lui apportant nourriture et médicaments, et semble n’avoir que deux amis : son copain peintre et sa petite amie, qui elle travaille.

Et puis un jour, il voit une annonce dans le journal et se rend au rendez-vous. Lors de l’entretien d’embauche, on ne lui demande pas son CV, ni aucune référence, mais juste la surface de son appartement. Un peu interloqué, il se demande bien en quoi consiste le boulot qu’on lui propose, mais les explications pourtant laconiques de son interlocuteur lui suffisent : il n’a rien à faire, ou presque, juste mettre son appartement à la disposition de la société, qui s’occupe de stockage de biens. Et ça, juste ça, pour une rémunération dépassant ses rêves les plus fous. Il est bien un peu suspicieux, comme ses deux amis à qui il en parle, mais pas plus que ça, et surtout, il est immanquablement attiré par cette promesse d’argent qui pourrait enfin changer sa vie. Acheter une maison pour s’installer avec son amie, vivre mieux… Il accepte donc.

Au début, tout va bien. Des employés de la société appellent pour prévenir de la livraison de quelques meubles qu’ils casent précautionneusement dans son appartement, et repartent discrètement, non sans avoir prononcé la formule magique « l’argent a été viré sur votre compte ».  Il anticipe déjà sa vie future, va même dans une agence immobilière consulter un catalogue de biens qui pourraient leur plaire à tous les deux, consulte son compte bancaire : l’argent est là, et c’est si facile !

Mais bien sûr, vous vous en doutez, cela ne va pas continuer ainsi, parce que nous savons tous que l’argent facilement gagné, eh bien ça n’existe pas. Il n’a toujours pas d’explications de la part de la société qui l’emploie, mais a tout de même visité un entrepôt gigantesque où sont entassés pèle des milliers de meubles, bibelots, objets divers, du sol au plafond et n’importe comment. Et c’est ce qui va se passer chez lui. Les livraisons s’intensifient et on lui demande de ne plus quitter son appartement, dans lequel il parvient de moins en moins à se déplacer, puisque chaque espace disponible est vite rempli par la livraison suivante.

Ce roman est vraiment étrange, et je l’ai que moyennement aimé, bien que l’ayant trouvé très intéressant. L’atmosphère y est vite oppressante puisque cet homme va se retrouver prisonnier chez lui, écrasé littéralement de meubles, et dans une solitude totale, bien qu’entouré toujours de son copain et de son amie, ainsi que des livreurs de la société qui sont bientôt là en permanence. Mais il est bien seul face à son destin, incapable de rendre visite à sa mère qui a dû être hospitalisée, prisonnier de la phrase qui ne manque pas de retentir à chaque nouvelle livraison : « l’argent a été viré sur votre compte ». En parallèle, la ville gronde avec une mutinerie de prisonniers et une révolte, et plus le monde bouge à l’extérieur, moins il s’y sent lié. La situation, si on la prend au premier degré, est bien entendu totalement absurde, mais il faut la rattacher au contexte. L’auteur est grec et il suffit de se tenir un minimum informé de la situation économique de ce pays pour comprendre que la crise là-bas a frappé encore plus fort que chez nous. Et donc, ce besoin d’argent si fort, avec cette promesse de facilité pour le gagner font que la situation semble de ce fait beaucoup plus compréhensible. Sauf que voilà, on peut se poser (on devrait !) la question de savoir ce que nous sommes capables de faire pour gagner de l’argent. Ce à quoi nous sommes capables de renoncer. Réfléchir aux conséquences de nos choix. À la facture qui sera immanquablement à payer pour le prix de la facilité. Y a-t-il un prix pour la liberté d’agir comme on l’entend, de se déplacer, de vivre ?

Lu par Blablablamia, pour qui c’est un coup de cœur et par Daniel qui a également bien aimé.

Comments

[sous les galets]

j'ai peur de ne pas accrocher pour dire vrai, même si la question de base (que sommes nous prêts à faire pour de l'argent?) reste essentiel.

[A_girl_from_eart]

L'intrigue me tente bien, le côté absurde qui suscite également beaucoup de réflexions. Et puis j'aimerais découvrir davantage la littérature grecque contemporaine. Noté pour moi !

[Alex mot a mots]

Finalement, il pose pas mal de questions, ce roman.

[zazy]

Tu m'intrigues avec ce livre.