L'île des oubliés - Victoria HISLOP

Un petit voyage vous tente ? Nous partons en Crète, boire un peu de ouzo ! Mais aussi découvrir une île… C’est en effet l'île de Spinalonga, au nord d'Agios Nikolaos qui est au centre du roman de Victoria Hislop. Cette île fut occupée par les Vénitiens au XVIe, qui construisirent une puissante forteresse sur les ruines d’une acropole antique. Elle servit ensuite de protection contre les Turcs pour l'accès au golfe, et ceux-ci ne parvinrent d’ailleurs jamais à s'en emparer. Lorsqu’ils furent chassés de Crète, le gouvernement Grec décida de s’en servir.

Elle accueillit dès lors les lépreux venant de toute la Grèce et la Crète, parqués là pour éviter la contamination de la population, à une époque où beaucoup pensaient que la maladie se propageait par simple attouchement ou même en étant dans la même pièce qu'un malade. Entre 1903, année où l’île fut rattachée à la Crète, et 1957, cette petite île toute proche du continent et du village de Plaka accueillit donc une léproserie et devint donc pour tous « l'île aux lépreux ».

Si vos pas vous mènent en Crète un jour, vous pourrez visiter Spinalonga, accessible en bateau à partir d'Agios Nikolaos. Je ne peux cependant pas vous dire si les murs et ruines qui subsistent sur l’île portent la trace, l’odeur et le fluide des vies qu’ils ont accueillies, et accompagnées à la mort pendant de nombreuses années…

Comme dans L’île des oubliés, on entre dans Spinalonga par un tunnel appelé porte de Dante (déjà tout un programme !)… Entrons pour notre part dans l’histoire…

Sur fond historique, l’auteur brosse une saga familiale. Alexis, jeune femme anglaise, est en voyage en Crète avec son fiancé avec lequel il y a déjà un peu d’eau dans le gaz. Elle se pose pas mal de questions sur son avenir et surtout sur la possibilité d’un avenir commun. Elle a surtout en tête le fait d'avoir réussi à enfin arracher à sa mère quelques bribes d’information sur son pays natal, dont elle n’a jamais parlé au fil des ans, comme un secret honteux ou trop douloureux, si ce n’est une photo d’un oncle et d’une tante qu’elle garde sur sa table de nuit. Alexis est en possession d’une lettre pour une amie de sa mère qui vit encore dans le petit village de Plaka dont elle est originaire, et décide d’y aller seule, pour découvrir ses racines qui semblent si mystérieuses.

Fotini, restée au pays, l’accueille comme sa fille et lui fera en détail le récit des aventures de la famille. Ne croyez pas que je vais tout vous raconter… Sachez que bien sûr, la lèpre est omniprésente dans ce récit et qu’elle va toucher la famille de très près. Sachez aussi que deux sœurs peuvent parfois être totalement différentes, voire même opposées, mais que celle qui choisit la route du bonheur ne sera peut-être pas celle qui sera le plus heureuse. Que la crédulité et l’ignorance des gens poussent bien évidemment à la bêtise (mais ça, vous le savez déjà, non ?). Que dans la vie, souvent, on paye le mal qu’on a fait d’une manière ou d’une autre. Que la bonté est parfois récompensée, parfois seulement… Et que les familles ont leurs secrets et que ce sont les plus durs à découvrir.

J’ai énormément aimé le côté historique du roman avec la vie sur l’île des lépreux, les informations sur l’avancement des recherches médicales, les rapports de ces pauvres gens malades rejetés avec la société en général ou leurs proches. J’ai adoré aussi me retrouver sur ce coin perdu de Crète face à la mer que je voyais bleu azur, sentir les parfums de la terre sèche, la chaleur du soleil, les chants des grillons… (bon, je n’avais pas d'ouzo et les températures de ces derniers jours en sont pas très crétoises, sinon, j'aurais presque pu m'y croire...). L’auteur sait parfaitement mettre en situation et nous faire voyager, dépeindre paysages et villes, ainsi que les mentalités, très rugueuses à la campagne et empreintes du respect des traditions.

J’ai beaucoup moins aimé le côté romantique de l’histoire, parfois à tendance fleur bleue et parfois un peu larmoyante, notamment vis-à-vis des lépreux ou de ceux ou celles qui amoncellent les problèmes au fil du récit (vous verrez, ça fait beaucoup pour une seule famille, à mon goût !). De même, je ne pense pas que la vie sur Spinalonga ait été aussi riante et gaie que l’auteur veut nous faire croire… ça, c’est pour les touristes qui visitent l’île pendant leurs vacances… Les caractères de tous les personnages sont très caricaturés et aucune des deux sœurs n’a eu grâce à mes yeux. La belle-mère est totalement soumise à son mari (et vivant sous le même toit, ne voit-elle rien de ce qui s'y passe ???), le cousin a l’air d’avoir une cervelle de moineau… J’ai par contre aimé la fidélité de Fotini, l’amie d’enfance et le caractère droit du père, courageux et taiseux.

Mais surtout, je n’ai pas du tout accroché au style, que j’ai trouvé sec à l’instar du sol crétois, sans contour, fade et très décevant.

Au final, le roman est malgré tout intéressant pour la « vraie » histoire et non justement pour son côté romanesque. Il peut être un bon tremplin pour s’intéresser de plus près à ce pays, ses traditions, cette île ou ses habitants. Mais pas du tout le coup de cœur escompté avec tous les avis positifs entendus avant d’entamer ma lecture.

A voir : un documentaire poignant de Jean-Daniel Pollet « L’ordre », dans lequel un lépreux décrit la vie de la communauté.

Comments

[FondantOchocolat]

Oh la la, ce roman me tente beaucoup et ton billet est magnifique !!

[Le Papou]

Pas les amourettes mais pour le ouzo je suis partant.

Le Papou

[Manu]

J'avais bien aimé ce roman mais comme je l'ai écouté en version audio, c'est peut-être mieux passé. Même si j'ai aussi trouvé l'histoire d'amour un peu de trop.

[Hélène]

Les réticences que tu cites ont eu raison de ma lecture, abandonnée en cours de route !

[somaja1]

Tout comme toi ! J'ai aimé tout ce que j'ai pu apprendre de cette île et de son histoire, mais les aléas sentimentaux de la jeune Alexis me sont sortis par les yeux très rapidement (je me croyais dans Amour, gloire et beauté !). Quant au style, "fade et décevant", comme tu dis si bien.