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Lectures et élucubrations de Liliba
16 août 2011

Syngué sabour, pierre de patience - Atiq RAHIMI

Présentation de l'éditeur

« Cette pierre que tu poses devant toi... devant laquelle tu te lamentes sur tous tes malheurs, toutes tes misères... à qui tu confies tout ce que tu as sur le cœur et que tu n'oses pas révéler aux autres... Tu lui parles, tu lui parles. Et la pierre t'écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate. Elle tombe en miettes. Et ce jour-là, tu es délivré de toutes tes souffrances, de toutes tes peines... Comment appelle-t-on cette pierre ? »

Syngué sabour [sége sabur] n.f. (du perse syngue " pierre ", et sabour " patiente "). Pierre de patience. Dans la mythologie perse, il s'agit d'une pierre magique que l'on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères... On lui confie tout ce que l'on n'ose pas révéler aux autres... Et la pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les mots, tous les secrets jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate... Et ce jour-là on est délivré.
 
 
 

Ce n'est pas à la pierre que s'adresse cette femme, mais à son mari, immobilisé par une balle reçue, dans une maison au coeur d'une ville en guerre « quelque part en Afghanistan ou ailleurs ». Elle parle à son homme comme elle l'aurait fait avec la pierre, elle dévide sa vie, ses pensées, ses émotions, tous ses sentiments entassés depuis des années au fond du coeur, qui débordent et ont besoin, comme une inondation de filer, de se glisser partout, de s'infiltrer. Et les mots en effet volent au dessus de l'homme son mari, sans qu'elle sache pourtant s'il l'entend ou pas. Elle dit la tendresse et l'amour, elle dit les déceptions et les rancoeurs, elle dit ses espoirs déçus, ses regrets, elle dévoile aussi ses secrets, tous ses secrets...

Oh, elle a bien essayé de prier, avant. Elle a regardé cet homme blessé, entre la vie et la mort. Elle a suivi le fragile souffle d'air qui sort de sa poitrine, elle a appelé Allah, scandé son nom quatre-vingt-dix-neuf fois comme il se doit. Mais Dieu semble ne pas entendre, alors elle lui parle, à lui aussi. Elle lui reproche son silence, et la folie qui grossit à cause de lui, en son nom. Elle le maudit, même, comme la guerre meurtrière qui ronge son pays... Elle crache sa haine et sa révolte, elle, la femme qui toujours était soumise et silencieuse, elle crie, elle hurle la dureté de la vie, et sa stupidité... Elle hurle les injustice et la violence, elle maudit la guerre et les hommes qui la font, et Dieu qui permet tout ça.

Cette voix qui murmure est un cri. Un cri d'une femme qui souffre. Le cri que pourraient pousser toutes les femmes qui vivent dans des contrées ou sous le joug de religions qui en font des objets, des êtres que l'on peut utiliser à loisir, prendre ou répudier, violer ou lapider. Cette voix basse et rauque qui chuchote ces mots crie la misère et le malheur de toutes celles qui souffrent, qui sont humiliées, qui pleurent, mais qui cependant ne veulent pas rendre entièrement les armes, qui veulent vivre, aimer, connaître sinon le bonheur une certaine forme de sérénité.

Les mots prennent aux tripes et laissent une empreinte en vous, ils vous transpercent telles des flèches. Cette femme qui tout sa vie fut soumise, silencieuse, obéissante est enfin libre grâce à ses paroles, à ce cri du coeur qui passe enfin ses lèvres. Je pense que ce texte ne peut laisser personne indifférent, il m'a en tout cas fortement ébranlée, émue, et j'ai été incapable juste après ma lecture de vous en parler. Ces mots ont dû s'apaiser en moi pour que je vous en restitue un infime aspect, pour que j'arrive à vous les transmettre.

Magnifique ! A lire et relire.

 

Lu également par Papillon, Le blog des livres, plusieurs avis sur Lecture/Ecriture, Hélène, Aproposdelivres, Biblioblog, Schlabaya, Zarline, Miss Alphie, Laurent, Alex, Chiffonnette, Gangoueus, Karine, Julien, Mazel, Stephie... 

challenge_amoureux  et encore une qui finit mal !

Challenge_Petit_BacCatégorie Objets

 

 

 

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Commentaires
L
@ Asphodèle : oh oui, j'ai adoré Djebel ! Quel style, hein ? Ne cherche pas le billet, il est encore... dans ma tête !!!! Terrible, suis toujours en retard !
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A
Si tu as aimé...à ce point, je note ! car j'ai cru comprendre ton coup de coeur pour Djebel commencé hier et que je ne peux plus lâcher ! Mais comme j'ai une lecture en parallèle (fort bien également) je suis déchiiirée ! Je cherche ta chronique sur Djebel mais ne la trouve point ! Je persiste, on va voir ! ;)
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L
@ Alex, oui, c'est spécial, en effet. La guerre et la violence qui grondent autour et cette femme retranchée avec l'homme, qui déverse sa propre violence en paroles... ça m'avait retournée, plutôt que dérangée.
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A
Une ambiance un peu particulière, tout de même, qui m'a déranger.
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L
@ Depoche en poche, heureusement, ceux qui recoivent les prix littéraires sont en général de bons romans, même si pour certains il y a petite polémique... Un livre que je relirai et que j'ai offert déjà pas mal de fois...
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