La vague - Todd STRASSER
À l’heure où le monde entier est à la commémoration du débarquement de Normandie, je tiens à vous présenter un roman, non pas sur la guerre et ses conséquences, ses souffrances ou ses héros, mais sur ce qui fait qu’une guerre peut se déclencher (parmi de multiples raisons).
La vague est un roman, mais un roman basé sur une histoire vraie. Celle d’un professeur de lycée aux États-Unis dans les années 70, qui pour tenter d’expliquer les mécanismes du nazisme, et surtout pourquoi la population allemande s’est laissée ainsi embrigader, a mis en place dans une classe une expérience.
Lorsque les élèves de Ben Ross l’entendaient parler de la Seconde Guerre mondiale, du nazisme et du totalitarisme, ils avaient une réaction très nette et ne comprenaient pas que les acteurs de l’époque aient pu se laisser faire, et tous ajoutaient qu’il serait de nos jours impossible qu’un tel phénomène de masse se reproduire.
Un matin, il leur proposa donc d’adopter un slogan qui les rassemble : "La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l'Action." Certains rirent, d’autres ne suivirent pas le mouvement, mais le plus grand nombre, amusé, entrèrent dans le jeu. Puis vinrent au fil des jours quelques règles de politesse comme dire bonjour, se lever quand on parle qui furent toutes grandement appréciées par les élèves. Leur professeur leur proposa ensuite un salut, un slogan, quelques obligations et règles plus strictes et de jour en jour, insidieusement, l’atmosphère de la classe se mit à changer. Ceux qui sortaient du rang et ne respectaient pas les règles établies étaient remis dans le droit chemin, des contrôles virent le jour, et bien vite la suspicion et la peur de ne pas être considéré comme un bon membre du groupe, un dissident, le ver dans le fruit.
Bref, au bout de quelques semaines à peine, le groupe d’élèves était devenu une parfaite représentation d’un état totalitaire avec ses lois absurdes à suivre à la lettre, sa répression, la docilité de ses sujets basée sur la peur ou la contrainte, l’abandon du libre arbitre de la majorité d’entre eux, et pour ceux qui osaient encore émettre un avis contraire, un rejet pur et simple, voire un pas vers la violence. L’expérience de ce professeur fut si réussie que les élèves n’étaient plus capables de faire la différence entre le jeu mis en place et la réalité de leur condition d’élèves… et qu’il dut recourir in extremis à un stratagème subtil pour « casser » cette vague qu’il avait fait naître et ramener tous les élèves du lycée dans leur quotidien, et à des relations normales entre eux.
On abandonne les élèves de Monsieur Ross dès que chacun retrouve ses esprits (et on frémit du pire qui n’était pas loin de se produire), mais je trouve cependant très dommage qu’il n’y ait pas à la fin du roman un additif avec le récit de ce qui est arrivé ensuite dans la réalité pour les jeunes ayant participé à cette expérience, qui a dû les marquer au fer toute leur vie. Qu’en ont-ils retiré, compris ? Certains ont dû avoir du mal à s’en remettre et j’aurais aimé en savoir un peu plus.
Bien que le style soit plutôt moyen, cette lecture est passionnante et je vous conseille de proposer ce livre à vos ados et d’en discuter ensuite avec eux. Les deux miens ont adoré, même s’ils ont trouvé au départ que les élèves se laissaient faire un peu facilement. Avec quelques exemples adaptés à leur vie quotidienne (le regard des autres, la pression des copains, le fait d’être in ou out…), ils sont vite compris qu’eux aussi se seraient retrouvés dans le même cas. J’espère que cela les aidera à exercer leur libre arbitre si un jour ils ont besoin de s’opposer à une situation ou proposition qu’ils jugent mauvaise…