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Lectures et élucubrations de Liliba
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22 juin 2009

Bonne nuit, doux prince - Pierre CHARRAS

 

prince

 

 

  • "Je le voyais s'éloigner, la nuque maigre, le crâne chauve, les épaules effondrées. Je n'ai pas bougé. J'aurais dû l'appeler, le serrer dans mes bras, lui dire que j'étais heureux qu'il me fasse cadeau, pour me faciliter la vie de tous les jours, des ob­jets qui lui avaient permis d'être lui. Mais je n'ai pas bougé, je n'ai rien dit. C'est aujourd'hui, tant d'années après, que je voudrais le rattraper et le prendre contre moi. Je sais bien qu'il est trop tard, mais j'y reviens sans arrêt. Comme un cul-de-jatte qui a mal aux jambes, j'ai mal à mon père. C'est ça au fond notre histoire. Des gestes qui n'ont pas eu lieu. Des mots que j'ai négligé de dire. Des élans d'amour aujourd'hui périmés qui m'étouffent. Je n'en finis pas d'établir le catalogue des occasions manquées."

    .

Pierre Charras ressuscite son père décédé, lui parle comme il n'a pas pu ou pas su le faire lorsque celui-ci était encore près de lui et nous livre dans cet ouvrage un brillant témoignage d'amour filial, servi par une écriture simple et juste. Nostalgie du temps passé, des moments fugitifs de bonheur en commun, regret des paroles non dites, ou de celles qui ont fusé trop rapidement et ont blessé, mésentente et rancoeurs parfois... l'auteur nous emmène dans son enfance à la rencontre de ce père silencieux et imposant, il nous promène dans les méandres des relations familiales et de leurs secrets, et nous ressortons de ce livre émus, très émus par ce cri d'amour qui malheureusement arrive bien tard et ne pourra plus combler le vide et l'absence de ce père méconnu et malgré tout tant aimé.

Un très beau livre ! Merci Odile, pour ce prêt qui m'a permis de découvrir cet auteur. Antigone est "restée un peu en retrait de cette lecture", bien qu'elle ait aimé.

La dédicace de l'auteur trouvée sur Passion du Livre:

 

"Bonne nuit, doux prince est mon treizième roman et, en même temps, le premier ou le seul que je voulais faire sur mon père, parce que mon père est mort il y a vingt-six ans et que, depuis, je suis inconsolable. Ce livre est la stèle que j'élève pour mon père. Jusque-là, il est partout dans mes livres - c'est le treizième... Il a toujours été présent, mais il est présent par morceaux, par extraits. Ce sont des petites guerres, ramassées comme ça... Et là, il s'agit d'une véritable stèle, un monument. Du moins, je l'espère... C'est ce qu'ai voulu faire, c'est ce que j'ai essayé. Ce treizième livre est l'accomplissement d'un désir que j'avais dès le premier, qui était de rendre hommage à mon père et de lui dire : «tu étais bien ; je ne te l'ai jamais dit, mais tu étais bien. Et tu étais, comme je le dis dans le titre, un prince, alors que tu étais un pauvre prolo, bien sûr, fauché et ignorant». Mais quand même, il avait une sorte de noblesse du coeur que j'ai essayée de peindre, avec mes souvenirs qui sont de plus en plus rares, de plus en plus solides et douloureux. J'espère que ces explications ont été suffisantes et ont donné envie à mes lecteurs éventuels, à mes lecteurs potentiels, possibles, souhaitables, souhaités, d'avoir du plaisir. Moi, j'ai eu beaucoup de plaisir à le faire, mais j'ai imaginé du plaisir à le lire. C'est du plaisir pour les autres, pas pour moi. Mais je l'ai fait dans le but de donner du plaisir et de donner envie à mes lecteurs de dire : «bonne nuit, doux prince» à leur papa, si leur papa est encore là."

"Je voudrais que mon récit fût une ballade. Non pour jouer sur les mots car il ne s'est jamais baladé, au cours de ses périples, il n'a jamais flâné ; il remontait une piste mystérieuse qui le conduisait à son point de départ ; il s'imposait ce devoir par tous les temps et quel que soit son degré de fatigue, comme d'autres vont à la première messe du matin. Non, je voudrais que ce qui précède fût une ballade car nous en serions maintenant à l'envoi : Prince..., écrirais-je pour m'adresser à lui. Et ce mot est si juste. Il lui va si bien."

"Prince...J'aurais voulu tout décrire de toi. J'aurais voulu faire des jaloux. J'aurais voulu que tout le monde sache la chance que j'ai eue."

 

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Commentaires
L
Un livre qui m'a beaucoup touchée et qui m'a fait comprendre à quel point le temps est précieux auprès de ceux qu'on aime.
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L
@ Plume, ah les occasions manquées, bien sûr qu'il y en a, j'y pense souvent, même si j'ai la chance que mes parents soient encore en vie, je me dis que je devrais plus en profiter, leur dire tout l'amour que j'ai pour eux... On pense toujours qu'on aura le temps de dire les choses, et puis la vie fait qu'on ne dit rien, et puis c'est trop tard...<br /> <br /> J'ai noté le Grimberg, on verra bien si je passe devant !
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P
Oh la la ! L'extrait me touche tellement. C'est si compliqué d'écrire sur les "occasions manqués", et on regrette tous tellement de gestes, et de mots d'amour pas prononcés. Je n'ai jamais lu de Charras, mais celui là me tente énormément. Je vais vite l'acheter. <br /> <br /> Quant à La mauvaise rencontre de Grimbert dont je t'avais parlé. Je l'ai finalement trouvé très très bien écrit, et très bon, jusqu'aux dix dernières pages. Là, j'ai trouvé que l'auteur expédiait un peu son lecteur dans les cordes. On referme ce livre vraiment dessus que ça ait été si vite à la fin. J'aurais voulu qu'il m'en dise plus, sur son double. Mais il m'a pris malgré tout. Je suis contente de l'avoir lu.
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L
@ Antigone, oui, c'est un joli livre, mais peut-être difficile à lire si jamais on a eu des relations difficiles avec son père ou bien si celui-ci est décédé.
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A
Je ne m'en souviens plus très bien au final, mais l'impression d'ensemble était plutôt agréable...
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