Quand Marc sortit son chien ce soir-là...
Quand Marc sortit son chien ce soir-là, il décida sans raison, sur un coup de tète, de changer d'itinéraire. L'air était frais, mais empli de senteurs nouvelles. Le soleil printanier avait réveillé la nature et les insectes voletaient dans la pénombre, ivres encore de l'effervescence et de la chaleur de la journée.
Donald trottait devant lui, heureux de cette sortie nocturne. Donald ! Après toutes ces années, un four rire le prenait encore parfois ; affubler un chien d'un nom de canard, c'était d'après son épouse du dernier ridicule, mais le nom s'était imposé à son esprit quand il avait découvert le jeune chien dont le museau tout jaune avait du traîner dans quelque poubelle, l'air penaud et pataud, le regardant avec de grands yeux affectueux. Donald, qui l'avait choisi, lui. Il s'était attaché à l'animal plus qu'il ne l'aurait supposé et l'habitude de cette promenade nocturne, devenu rituel les remplissaient tous deux, l'homme et le chien, d'une allégresse non dissimulée, ce qui faisait rager sa femme.
Perdu dans ses pensées, il continuait de marcher tranquillement, tirant sur sa pipe de temps à autre, quand soudain, un grognement de Donald retint son attention : le chien s'était arrêté, tous poils dressés, et grognait sourdement, mais pas méchamment, non, on aurait dit plutôt qu'il était intrigué. Marc s'approcha du chien, posa sa main sur sa tète pour le calmer et scruta la pénombre face à lui. Ils étaient arrivés près du vieux pont, dont il discernait les parapets.
Son regard fut soudain attiré par une ombre, un mouvement. Le chien également avait flairé quelque chose car il jappa brièvement. C'est alors que marc vit ce qui avait attiré l'attention de Donald, ou que ses yeux comprirent ce qu'ils avaient enregistré. Un homme était à c califourchon sur le parapet du pont et semblait se pencher dangereusement v ers le vide. Un frisson d'effroi parcouru Marc Cet homme allait-il sauter, plonger dans l'eau glacée, se perdre dans les remous vers une mort certaine ? Cela ne pouvait pas être, non, cet homme ne devait pas mourir. Alors Mars s'avança sur le pont, son chien aux pieds, et approcha doucement de l'homme, priant seulement pour que celui-ci ne soute pas sous son nez : il serait alors obligé de lui venir en aide et de plonger à son tour dans la rivière... Non il fallait à tout prix empêcher cet homme de se jeter dans le vide, il devait l'aider. Le chien avait flairé le désespoir et la douleur. Il est fascinant de constater comment les animaux sentent mieux que nous, pauvres hommes, les sentiments et les pensées des êtres qui les entourent. Il s'approchait à pas légers de l'homme, toujours à califourchon de dos et lorsqu'il arriva à ses cotés, lui lécha la main et s'assit à ses pieds.
"Laissez-moi" Il avait parlé. Pour leur dire de partir, certes, mais il avait brisé le silence et en leur adressant la parole, entamé un échange, un dialogue. Il fallait seulement maintenant lui répondre, le faire parler encore, l'écouter. Curieusement, alors que le souvenir de cette soirée reste terriblement vivace dans la mémoire de Marc, il ne peut se remémorer le dialogue qui suivit avec cet homme, ce qu'il lui avait dit ni qu'elles avait ent été ses réponses. Il se souvient seulement que la main de l'homme caressait le chien et que Donald se laissait faire, léchant de temps à autre cette main nouvelle. Ils avaient parlé longtemps. De tout, de rien, de la vie. D'amour de mort , d'enfants de déceptions, de joies. Les mot avaient résonné dans l'aire sombre autour d'eux, s'étaient écoulés comme un fleuve, comme le flot de la rivière dans laquelle cet homme voulait mourir.
Plus tard, très tard, ils étaient partis, tout les trois, les deux hommes et le chien. Ils avaient quitté le point et marché en direction du centre. Et puis ils s'étaient séparé, juste comme cela, simplement, comme deux amis. Au revoir, porte-toi bien. Et Donald avait suivi l'homme qui s'éloignait. Le chien s'était frotté contre lui, comme pour lui dire au revoir et avait suivi cet étranger sans se retourner, le laissant seul sur la route, sa pipe froide à la main, un peu endormi, hagard, pas très sur d'avoir réellement vécu ces heures ou de les avoir rêvées. Il s'en était retourné chez lui, sa femme l'attendait, elle était inquiète, lui fit des remarques sur l'heure tardive, et ne le crut jamais complètement quand il lui raconta toute l'histoire et le départ volontaire de Donald. Elle ne savait pas quoi imaginer d'autre, mais cette aventure était cousue de fil blanc ! mais lui, Marc, savait. Ce chien qui avait un jour débarqué chez lui, qui l'avait choisi, ce chien fidèle affectueux et intelligent l'avait quitté pour donner son amour à un inconnu, qui en avait besoin. Il était triste, il n'avait plus de chien, mais il comprenait. Et il était fier. Grâce à lui et à Donald un homme désespéré avait choisi cette nuit-là de vivre plutôt que d'en finir. La vie avait gagné contre la mort.