Le chardonneret - Donna TARTT
Parfois, face à un tableau, surgit une émotion d’une intensité incroyable qu’on ne s’explique pas. Pas forcément esthétique, mais un mélange d’admiration pour la patte du peintre, d’émerveillement, d’envie aussi… Quand le jeune Theo Decker, alors âgé de 13 ans, découvre Le Chardonneret, il ne peut s’empêcher de s’en emparer. Il faut dire que les circonstances tragiques l’excusent. Il vient de réchapper d’un attentat au Metropolitan Museum de New York, et alors qu’il erre dans les décombres cherchant sa mère, le tableau se dresse face à lui, miraculeusement intact.
Sauf que la possession de ce tableau va influer sur toute sa vie…
Je ne vais pas vous raconter le détail de ce très gros et long roman, puisque vous trouverez des tas de résumés sur le net. Sachez qu’il m’a autant subjuguée qu’intriguée, puis énervée.
Ravie de renouer avec Donna Tartt après de longues années, je me suis précipitée dessus. J’ai été totalement admirative du début de l’histoire, cette narration de l’explosion, de ses suites, ce mélange de fracas et de panique intense avec une réflexion rétrospective, puisque c’est le héros qui raconte sa propre histoire. Quelle écriture !
Mais j’ai ensuite eu plus de mal. Parce que si la plume de l’auteur est superbe, elle est également d’une noirceur incroyable. Tout va mal pour Théo, et tout va aller de mal en pis. Orphelin, il est recueilli par une famille bourgeoise dont le fils est un de ses amis, si tant est qu’on puisse appeler cette relation une relation amicale. Puis il fera la connaissance d’un restaurateur de meubles âgé qui deviendra son mentor et l’accueillera comme un fils et de la jeune Pippa, croisée au musée le fameux jour de l’explosion. Mais Théo doit suivre finalement son père réapparu comme par enchantement et se retrouver au fin fond d’une banlieue de Las Vegas, sous un soleil torride, où il fera la connaissance de Boris, encore plus paumé – et carrément plus malsain que lui.
Les deux adolescents entament une sorte de danse infernale vers la déchéance, l’alcoolisme, la folie et la violence et on ressent qu’ils ont comme un besoin de pousser le malheur du coude, de le titiller pour voir si ça pourrait être pire…
Alors oui, le style est vraiment magnifique et lire Tartt est un plaisir. Elle décrit avec brio les âmes complexes des jeunes comme des plus vieux, démonte les mécanismes de chaine qui font qu’une décision mène à une autre, puis une autre, décrit avec un pinceau si réaliste qu’on s’y croit transplanté l’Amérique et ses habitants, ses habitudes, du New York chic aux lumières factices de Las Vegas et décrypte avec une vision presque chirurgicale les affres de l’adolescence chez ces deux garçons abandonnés à eux-mêmes, tout comme elle est capable de vous faire un cours d’art sans que cela soit ennuyeux, bien au contraire. À tout cela s’ajoute le mystère, car le lecteur ne cesse de se demander pourquoi le livre débute sur une scène où le narrateur, désormais adulte, est enfermé dans une chambre d’hôtel d’Amsterdam, totalement paniqué…
Mais c’est long… bien trop long pour être digeste…
Merci à Anne Vaudoyer et aux Editions Plon pour cette lecture.