La fille de l'Irlandais - Suzan FLETCHER
Lecture commune avec Mirontaine , Titou le matou, Sandrine , Philisine Cave , et Solenn.
Quand Evangeline perd sa maman, elle est recueillie par ses grands-parents qu’elle ne connait pas et se retrouve isolée dans une ferme perdue au cœur du pays de Galles. Du haut de ses 8 ans, elle doit faire face à sa peine, mais aussi aux regards des gens, ces regards qui la transpercent de leur mépris, la jaugent, la jugent. Est-ce à cause de sa chevelure rousse indomptable, de ses taches de rousseur, de son innocence juvénile, ou bien pour quelque autre secret que l’enfant ne comprend pas ?
Car les gens parfois lancent des piques, et parlent de son père. Un père qu’elle ne connait pas, qu’elle n’a jamais vu, mais auquel il parait qu’elle ressemble énormément. Un père qui a quitté sa mère, et qui a laissé dans le village un souvenir bien négatif… Un père qu’elle aimerait tant aimer.
C’est la femme mûre qui raconte son enfance, une Eve en attente d’un enfant, heureuse, mais qui pourtant ne peut se départir d’une forme de nostalgie face au temps d’avant, et aussi de regrets et de remords. Car le passé pèse encore sur son âme, comme une chape. Elle se remémore sa rencontre avec ses deux seuls amis, un qu’elle perdra en cours de route, et l’autre qu’elle gardera, s’en étonnant encore des années plus tard. Caressant son ventre rond, Evangeline repart dans le passé, redevient la petite Eve sauvage et effrontée d'autrefois. Billy le bizarre ne lui fait pas peur, ou si, peut-être un peu, mais elle tente pourtant par tous les moyens de s’en approcher et leur relation, bien que ne pouvant être qualifiée vraiment d’amitié, se teinte malgré tout d’un sentiment d’attachement. Billy ne parle pas, ou si peu, mais il voit, il sait, il comprend beaucoup de ce qu’il se passe dans les environs et la fillette aimerait pouvoir accéder à ses secrets, elle aimerait qu’il lui raconte… Daniel quant à lui veille sur elle, la regarde grandir, la protège de loin. Eve se souvient aussi de la jeune voisine disparue, qu’on n’a jamais retrouvée, des soupçons qui ont alors pesé sur tout le village, de l’enquête.
Ses grands-parents sont aimants et l’élèvent du mieux qu’ils peuvent. Mais eux aussi ont leurs soucis, leurs peines qu’ils tentent de cacher, et des secrets, comme tous. Ils parlent peu de la maman d’Eve, et encore moins de ce qui s’est passé 9 ans plus tôt. La petite fille tente désespérément de percer tous les mystères qui entourent sa mère et son arrivée à elle, de découvrir ce que veut dire le mystérieux K gravé dans le bois. Elle veut comprendre et remettre en place les pièces du puzzle qui s’imbriquent tant bien que mal pour reconstituer le passé.
C’est un réel bonheur de retrouver la plume de Susan Fletcher, une auteur qui décidément me plait de plus en plus ! Après Un bûcher sous la neige et Avis de tempête, elle nous embarque dans une histoire où à nouveau le passé des protagonistes leur remonte en mémoire, où il pèse sur leur vie actuelle. Une histoire où l’enfance est décrite avec une sensibilité vraiment exceptionnelle, où la violence se mêle à la douceur. Les personnages sont comme dans ses autres romans peints avec une réelle délicatesse, et sa plume permet une vraie introspection, une descente au cœur des gens pour tenter de les comprendre, et bien, sûr, pour arriver à les aimer. L’auteur excelle également à décrire la campagne environnante, le vent, la pluie ou le soleil, les teintes du ciel et l’immensité, la beauté de la nature. Tout à la fois roman intimiste et œuvre lyrique dans ses descriptions du pays, La fille de l’Irlandais laisse un goût de trop peu : c’est si beau qu’on en voudrait encore !