Effroyables jardins Michel Quint Lectures de Liliba0 coeur0 coeur

 

« Faire le clown pour réussir à faire l’homme »

 

« Certains témoins mentionnent qu'aux derniers jours du procès de Maurice Papon, la police a empêché un clown de rentrer dans la salle d'audience. Il semble que ce même jour, il ait attendu la sortie de l'accusé et l'ait simplement considéré à distance sans chercher à lui adresser la parole. L'ancien secrétaire général de la préfecture a peut-être remarqué ce clown mais rien n'est moins sûr. Par la suite l'homme est revenu régulièrement sans son déguisement à la fin des audiences et aux plaidoiries. A chaque fois il posait sur ses genoux une mallette dont il caressait le cuir tout éraflé. Un huissier se souvient de l’avoir entendu dire après que le verdict fut tombé : - Sans vérité, comment peut-il y avoir de l’espoir ? »

 

Voici un tout petit roman absolument magnifique, autant par sa poésie que la façon dont il aborde le souvenir de la guerre. 

Lucien se raconte. Adolescent, il avait les clowns en horreur et un mal fou à accepter que son père, pourtant instituteur respecté, se grime, se déguise, s’affuble du nez rouge et régulièrement aille faire le clown auprès des gens en difficulté, pour les faire rire, leur changer les idées, mais aussi pour gagner quelques sous de plus. Pour lui, tout cela n’était que ridicule et il avait honte de ce père, le méprisait même. Jusqu’au jour où son oncle Gaston décida de lui dévoiler le secret du père, de lui raconter ce qui avait amené cet homme plutôt sérieux et taciturne à se travestir ainsi les dimanches pour entrer dans la peau d’un clown. 

A l’époque, la France était encore occupée. Adolescents, André, le père, et Gaston rêvaient d’actes de résistance héroïques, tout en participant à quelques attentats plutôt mineurs. Un jour cependant, la chance tourna et ils firent exploser par erreur un poste de commande d'aiguillage ferroviaire, dans lequel le gardien était présent. Le vieux cheminot fut très grièvement blessé et ils furent capturés et placés par le commandement allemand dans une fosse dont ils ne pouvaient sortir, dans le froid, sous la pluie, sans rien à manger ni à boire, juste à attendre le moment où ils seraient fusillés. 

C’est Bernd, le soldat allemand en charge de leur surveillance, qui avec humour et humanité, discrètement cependant pour ne pas se faire prendre, les aida. Il leur donna à manger, et surtout arriva à leur changer les idées et même à les faire rire en faisant le clown… 

On comprend ainsi que le père, en devenant clown de temps à autre, tente de se prouver son courage, devenir humain, au service des autres. C’est un hommage à celui qui les a sauvés à l’époque, peut-être aussi une façon de racheter sa culpabilité pour avoir blessé le garde barrière. 

Le roman se passe dans le Nord, terre natale de Michel Quint qui réussit à la perfection à peindre cette région, ses habitants, de même que la langue. Le climat est rude, les hommes aussi. Pas des rigolos, mais des hommes d’honneur. Le roman est dédié au père et au grand-père de l’auteur, qui fut résistant.

Un petit livre magnifique, très émouvant, très poétique malgré le sujet. Et un beau récit des petites choses de la guerre, ces petits actes héroïques individuels, qui auraient pu coûter la vie de ceux qui les vécurent, ne sont inscrits dans aucun livre d'histoire et ne sont pas passés à la postérité, mais touchent cependant au plus profond du coeur. Car malgré l'horreur, malgré la rage, la haine et la violence, malgré la mort et la déchéance, parfois, un homme ou plusieurs étaient capables de faire jaillir la lumière, l'espérance, la foi en un monde meilleur, en des hommes redevenus humains.

Une belle leçon d'humanité.

 

  

Le titre du roman est tiré d’un poème de Guillaume Apollinaire :

Les grenadines repentantes – Calligrammes – Lueurs des tirs

 

En est-il donc deux dans Grenade

Qui pleurent sur ton seul péché

Ici l'on jette la grenade

Qui se change en un oeuf coché

 

Puisqu'il en nait des coqs Infante

Entends-les chanter leurs dédains

Et que la grenade est touchante

Dans nos effroyables jardins

 

Le site de l'auteur.

 

Un roman lu par : 

Liyah : j’aurais peut-être du faire l’effort de lire ce livre très court, surtout que j’ai lu de bonnes critiques dessus, mais je n’ai pu que le survoler. 

Mazel : Ce livre vous happe, et derrière les "effroyables jardins", on en découvre d'autres, incroyablement soignés et beaux comme des paradis, où l'on peut continuer, dignement, à "être des hommes". 

Chaplum : En plus d’être émouvant, ce livre est utile dans le travail contre l’oubli mais aussi pour apprendre aux générations qui, comme moi, n’ont pas connu la guerre, ce que c’était. 

Karine : Un roman aussi qui nous rappelle de na pas oublier, de ne jamais oublier. Pour ne pas recommencer. Un moment de lecture qui fut somme toute très fort.

Cécile Qd9 : Une très belle histoire pleine d'humanité. 

Enna : C'est un livre très court mais qui dégage beaucoup d'émotions. 

Violette : A lire absolument, c’est court, lu en 1h. Simple mais noble, fort et émouvant. 

Julien : En définitive, si j'ai trouvé une certaine originalité dans la forme et dans l'intrigue, la morale de cette nouvelle m'a laissé perplexe, car sous couvert de "pudeur, humour et tendresse" (confère quatrième de couverture), Michel Quint laisse planer sur l'ensemble une sorte réflexion existentialiste sur son œuvre (volontairement, involontairement ?), entre les non prises de responsabilité de ses héros, le huis clos dans la fosse, l'angoisse devant la mort... La nouvelle a au moins le mérite de faire réfléchir... 

Mango : Ce livre de seulement une soixantaine de pages m’a beaucoup plu par son originalité sur un sujet pourtant souvent traité. J’ai pris plaisir à sa lecture peut-être un peu trop rapide cependant ! Ce n’est pas tout à fait un coup de cœur mais presque. 

Miss Orchidée : Une belle histoire dans ce court roman, une histoire d'amour à son père et à la vie. 

Papillon : Beaucoup de questions donc dans ce texte : qu’est-ce que le courage et la lâcheté, peut-on être garder son humanité face à l’ennemi ? Une histoire tout à fait emblématique de ce qui s’est passé en France pendant l’occupation où l’ennemi n’était souvent pas où on croyait le voir. 

Caroline : Voici un roman court – 63 pages – que j’ai beaucoup aimé. L’histoire est touchante, émouvante et très bien racontée. Je me sens un peu frustrée car je ne sais pas ce que je pourrais vous dire de plus à part : lisez-le ! 

Bluegrey : Un style économique mais étincelant, une langue familière et expressive : Michel Quint livre ici, avec tendresse et pudeur, un récit tragicomique court et lumineux où l'essentiel se lit entre les lignes et où humour et dérision évitent le sentimentalisme. Son récit est une merveille de concision et d'intelligence, soixante pages à peine pour un condensé d'humanité. 

Lily : Le livre est court, percutant, le style mâtiné de patois du Nord, les personnages réels (toute ressemblance n’est pas fortuite…). Il va droit au but. 

Sybiline : L’écriture de Michel Quint procède d’un parler imagé non dénué de trouvailles mais dont l’apparente naïveté est, me semble-t-il, dangereuse en ce sens qu’elle innocente et efface le scandale de certaines actions et comportements. 

Pascale : alors si vous n’avez pas lu ce livre, vous savez ce qu’il vous reste à faire, il se lit en une petite demi-heure à tout casser, avec tellement de plaisir que les pages tournent, tournent, virevoltent dans une euphorie et une angoisse aussi de savoir le sort de ces braves résistants de la seconde guerre mondiale. 

Laurence : Je vous conseille donc de prendre 1 ou 2 heures pour lire ce petit joyau. Et puis vous comprendrez ainsi d’où vient l’expression “effroyables jardins”. 

 
 Challenge Petit Bac 2012