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Lectures et élucubrations de Liliba
2 décembre 2009

Cris - Laurent GAUDE

 

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cris

"Je meurs. Qui se souvient de moi ? Il aurait peut-être mieux valu mourir tout de suite. Je sens maintenant que le gaz a chassé tout l'air de mes poumons, je sens la mort inodore que je respire. Je ferme les yeux. Et je vois. je vois que je ne mourrai pas seul. je vois le siècle et c'est un avorton arraché du ventre de sa mère au forceps. Il est baigné de sang. Ils l'ont roué de coups. Je vois l'homme qui n'a plus de dents, plus de visage. Je vois l'homme qui pense être allé au bout de l'horreur mais qui connaîtra bientôt de nouveaux coups. Je vois le gaz qui rampe dans les campagnes. Je vois le grand siècle du progrès qui pète des nuages moutarde, je vois ce grand corps gras éructer des bombes et éventrer la terre de ses doigts. Le raz de marée qui m'emporte n'était qu'une vaguelette. Je meurs maintenant et cela me fait sourire car il m'est donné de voir, dans ces dernières hallucinations convulsées, les millions de souffrances auxquelles j'échappe."

 

Est-il besoin d'en dire tellement plus ? Une fois de plus, l'écriture de Laurent Gaudé m'a transportée et une fois de plus j'ai ressenti dans mes tripes ses mots, ses phrases. Dans ce petit livre, nous suivons les pas de Marius, Boris, Ripoli et quelques autres. Nous les suivons dans les tranchées, dans la boue, sous la pluie, dans le froid, avec la peur qui enserre le coeur, qui noue les boyaux, qui coupe les jambes et qui rend fou. Ce sont des poilus, des soldats de la première guerre cachés dans leur trous, à la merci des bombes de l'ennemi ou d'une attaque ordonnée par le haut commandement, mais surtout à la merci de la folie qui rode. L'horrible cri qui retentit dans la nuit dans le no man's land entre les deux fronts les glace d'effroi. Cri de "l'homme-cochon" qui résonne dans les têtes, voix des agonisants qui poursuivent même les permissionnaires, bruits de la guerre que ceux qui rentreront chez eux n'arriveront pourtant jamais à oublier...

En peu de mots, avec un style simple, presque épuré, Gaudé trace l'horreur de cette guerre d'usure, la peur, la folie. Un texte terriblement "visuel" et bouleversant.

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Commentaires
L
@ Bonjour cher Dourvac'h ! De Dugain, j'ai lu La malédiction d'Edgar et Une exécution ordinaire, mais La chambre des officiers est je crois bien dans ma PAL.<br /> <br /> Toujours pas lu Pamuk... ce sera mon prochain achat, d'autant plus que je suis allée à Istanbul il y a quelques années et que j'avais adoré cette ville foisonnante et magique...
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D
Effectivement, le style de Laurent Gaudé est incisif, sobre et va à l'essentiel... je ne peux juger que par l'extrait que tu donnes de ce livre à l'odeur de mort...<br /> <br /> Avais-tu lu le livre de Marc Dugain, "la Chambre des Officiers", récit d'une lente reconquête de la vie ?<br /> <br /> Cette noirceur d'un siècle me fait remonter rapidement à la surface : aux bouffées d'oxygène du magnifique récit d'enfance d'Orhan Pamuk, "Istanbul" qui me fait de plus en plus penser à la quête de Marcel Proust... lvre magique et "illustré"...<br /> <br /> Bises & Amitié, chère Liliba... et vive le Bonheur !
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L
@ La nymphette, celui-là n'est pas un livre doudou, attention ! Prenant mais dur...
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L
Un roman récent sur la 1° guerre me tente bien... je le note!
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L
@ Karine, suis fan aussi de cet auteur !
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