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Lectures et élucubrations de Liliba
9 juin 2008

Grand Corps Malade

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De la Poésie pure, à l'état brut

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COUP DE COEUR !

gcmcoveractu

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Grâce à un billet chez Fabeli  dans son "Chantier à Lire", je viens de découvrir Grand Corps Malade, et c'est le coup de coeur !

Je connaissais un peu le rap, mais j'avoue n'avoir jamais accroché ni aux textes, souvent crus ou même vulgaires à mes oreilles bourgeoises (!) ni à la musique, trop éloignée de mon univers, de ma culture, et pour moi, pas vraiment mélodieuse.

C'est donc juste par curiosité que j'ai cliqué sur le lien, pour savoir ce qu'est le slam dont j'avais vaguement entendu parler, pour en avoir une idée plus précise, et pourquoi pas en retirer un truc à dire d'intelligent histoire de briller par ma culture générale dans un prochain dîner... et... j'ai été prise, envoûtée, subjuguée, tourneboulée, aimantée, désorientée par la voix, par les mots, par les phrases, par le rythme que Grand Corps Malade nous lance, nous jette à la figure. J'ai adoré sans condition cette poésie moderne, libérée des carcans structurels de la poésie classique, de la métrique et de la rime parfaite, mais toujours chantante, toujours douce, désarmante, touchante. Je l'écoute en boucle depuis la semaine dernière, je ris parfois, je pleure aussi, j'ai une boule dans la gorge et dans le ventre, je suis émue, je ne comprends pas pourquoi cette poésie, ce phrasé me touchent aussi profondément, avec autant de puissance. Cela ne m'était pas arrivé depuis longtemps, comme pour un amour naissant, au tout début... Depuis, je parle en slam, je pense en slam, et je cogite pour vous pondre un de ce jours un petit texte à ma façon...

Grand Corps Malade, c'est une voix, chaude, vibrante, profonde, grave, une voix qui emporte, transporte, une voix qui vous (me) fait fondre de désir, de plaisir, une voix qui résonne en moi et m'atteint au plus profond du coeur. Grand Corps Malade parle, slame, et c'est magique. Les arrangements musicaux sont également très beaux, simples et mettent en valeur le texte et la voix (piano superbe).

Grand Corps Malade, c'est Fabien, un beau gars de la banlieue, avec un beau sourire, un regard franc et une béquille. Grand Corps Malade, c'est un jeune homme de Saint Denis, un jeune homme qui, envers et contre tout a décidé de vivre, intensément, de sa passion des mots. Contre les idées reçues, contre le gris de la banlieue nord de Paris si vilipendée (et souvent à juste titre), contre le sort et l'accident qui l'a rendu handicapé, contre le défaitisme, et le  négativisme ambiant... Grand Corps malade, c'est comme une fleur qui jaillit, pure et belle au milieu d'un champ de ronces, c'est l'espoir d'un quartier, d'une génération, d'une société...

Fi de paroles ! Etoutez-le ! Passez outre vos préjugés sur la banlieue, la racaille, les gars chelous, la galère... Ouvrez vos oreilles, laissez-vous bercer, emporter ! Vous verrez défiler devant vous les amis de toujours, et ceux que parfois on oublie en cours de chemin : la beauté, la poésie, l'amour des mots, la tendresse, l'amour, la volonté, la chaleur, l'humour, l'auto-dérision, la sagesse... et tant d'autres...

Pour découvrir, le site officiel, et un site de fan, très bien faits.

Quelques extraits, mais le mieux est de l'écouter, car la voix (basse, sombre, chaude, une merveille à tirer des frissons...) participe au magique et à l'alchimie...

Attentat verbal

C'est quoi, c'est qui, ces mecs chelous qui viennent pour raconter leur vie,
C'est elle, c'est lui, c'est nous, on vient même si t'as pas envie,
Mais t'écoutes un tout petit bout, p't'être bien que t'en sortiras ravi,
Et ça c'est important pour nous, c'est grâce à ça qu'on se sent en vie.

J'aime ces attaques un peu surprise, c'est un attentat verbal,
On a faim de se faire entendre, moi j'ai l'appétit cannibale,
Certains diront que c'est un peu naze et d'autres que c'est franchement d'la balle,
Quoi qu'il se passe on poursuivra mais croit pas que ton avis m'est égal.

Capables de faire irruption dans des endroits inattendus,
Dans des bars et des théâtres, tu nous a déjà entendus,
Mais on a déboulé aussi dans des collèges, dans des lycées,
Dans des squares ou dans la rue, on a posé, toi même tu sais.

Le principe est clair : lâcher des textes là où et quand tu t'y attends pas,
Claquer des mots un peu partout et que ça pète comme un attentat,
Dans des salles ou en plein air, laisser des traces, faire des ravages,
Va demander au 129H ce qu'on appelle le slam sauvage.

On pose des textes énervés, ou de geon-pi sentimental,
On aborde un peu tous les thèmes avec ou sans instrumental,
Mentalement près à proposer partout un intermède vocal,
Une interruption sonore, un homicide amical.

Si je vois de l'écoute dans tes yeux, je voudrai te dire merci,
Et tu pourras me croiser partout sauf sur la scène à Bercy,
J'ai tes paroles pour te réveiller et j'en ai pour te bercer,
Et je te les offre sous les projecteurs ou dans le RER C.

Le plaisir de capter des regards un peu déstabilisés,
Qui se disent ceux-là, ils ont pas peur de se ridiculiser,
Le plaisir de capter des regards parfois remplis d'émotion,
Dans ces cas-là, on sait qu'on a passé le test avec mention.

On prend la parole à l'apéro et on la prend au dessert,
Même si les plus sceptiques nous disent « mais à quoi ça sert ? »,
A pas grand chose c'est vrai, j'avoue, si ce n'est à partager,
Des bons mots, des bons moments et des lyrics engagés.

C'est un poème, c'est une chanson, c'est du rap ou du slam,
Ferait tellement plaisir qu'après ce texte tu t'enflammes,
Appelle ça un égo-tripégo-trip ou appelle ça du freestyle,
On est solide comme de la brique et fragile comme du cristal.

Les mots sont nos alliés, on les aime comme maître Capello,
Puis on les laisse s'envoler en musique ou a capella,
Et comme des flèches ils tracent, lancés par nos cordes vocales,
Puis on les entend résonner comme une bombe dans un bocal.

On arrive comme un accident dans des endroits insolites,
Tu nous verras souvent en groupe, on vient rarement en soliste,
Et même si tu restes à l'abri, il faut jamais que tu t'emballes,
Tu peux subir à tout moment, un attentat verbal.

Maintenant tu sais qui c'est, ces mecs chelous qui viennent raconter leur vie,
C'est elle, c'est lui, c'est nous, on vient même si t'as pas envie,
Mais t'écoutes un tout petit bout, p't'être bien que t'en sortiras ravi,
Et ça c'est important pour nous, c'est grâce à ça qu'on se sent en vie.

Je dors sur mes 2 oreilles

J’ai constaté que la douleur était une bonne source d’inspiration
Et que les zones d’ombre du passé montrent au stylo la direction

La colère et la galère sont des sentiments productifs
Qui donnent des thèmes puissants, quoi qu’un peu trop répétitifs
A croire qu’il est plus facile de livrer nos peines et nos cris
Et qu’en un battement de cils un texte triste est écrit
On se laisse aller sur le papier et on emploie trop de métaphores
Pourtant je t’ai déjà dit que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts
C’est pour ça qu’aujourd’hui j’ai décidé de changer de thème
D’embrasser le premier connard venu pour lui dire je t’aime
Des lyrics pleins de vie avec des rimes pleines d’envie
Je vois, je veux, je vis, je vais, je viens, je suis ravi
C’est peut-être une texte trop candide mais il est plein de sincérité
Je l’ai écrit avec une copine, elle s’appelle Sérénité
Toi tu dis que la vie est dure et au fond de moi je pense pareil
Mais je garde les idées pures et je dors sur mes 2 oreilles

Évidemment on marche sur un fil, chaque destin est bancal
Et l’existence est fragile comme une vertèbre cervicale
On t’a pas vraiment menti, c’est vrai que parfois tu vas saigner
Mais dans chaque putain de vie, y’a tellement de choses à gagner
J’aime entendre, raconter, j’aime montrer et j’aime voir
J’aime apprendre, partager, tant qu’y a de l’échange y’a de l’espoir
J’aime les gens, j’aime le vent, c’est comme ça je joue pas un rôle
J’ai envie, j’ai chaud, j’ai soif, j’ai hâte, j’ai faim et j’ai la gaule
J’espère que tu me suis, dans ce que je dis y’a rien de tendancieux
Quand je ferme les yeux, c’est pour mieux ouvrir les cieux
C’est pas une religion, c’est juste un état d’esprit
Y’a tellement de choses à faire et ça maintenant je l’ai compris
Chaque petit moment banal, je suis capable d’en profiter
Dans la vie j’ai tellement de kifs que je pourrai pas tous les citer
Moi en été je me sens vivre, mais en hiver c’est pareil
J’ai tout le temps l’œil du tigre, et je dors sur mes 2 oreilles
 

Je n'suis pas le plus chanceux mais je me sens pas le plus à plaindre
Et j’ai compris les règles du jeu, ma vie c’est moi qui vais la peindre
Alors je vais y mettre le feu en ajoutant plein de couleurs
Moi quand je regarde par la fenêtre je vois que le béton est en fleur
J’ai envie d’être au cœur de la ville et envie d’être au bord de la mer
De voir le delta du Nil et j’ai envie d’embrasser ma mère
J’ai envie d’être avec les miens et j’ai envie de faire des rencontres
J’ai les moyens de me sentir bien et ça maintenant je m’en rends compte
Je voulais pas écrire un texte « petite maison dans la prairie »
Mais j’étais de bonne humeur et même mon stylo m’a souri
Et puis je me suis demandé si j’avais le droit de pas être rebelle
D’écrire un texte de slam pour affirmer que la vie est belle
Si tu me chambres je m’en bats les reins, parfois je me sens inattaquable
Parce que je suis vraiment serein et je suis pas prêt de péter un câble
La vie c’est gratuit je vais me resservir et tu devrais faire pareil
Moi je me couche avec le sourire et je dors sur mes 2 oreilles
 

La vie c’est gratuit je vais me resservir et ce sera toujours pareil
Moi je me couche avec le sourire et je dors sur mes 2 oreilles
 

(© Grand Corps Malade, 2005) 

6ème sens

La nuit est belle, l'air est chaud et les étoiles nous matent,
Pendant qu'on kiffe et qu'on apprécie nos plus belles vacances,
La vie est calme, il fait beau, il est 2 heures du mat',
On est quelques sourires à partager notre insouciance.

C'est ce moment là, hors du temps, que la réalité a choisi,
Pour montrer qu'elle décide et que si elle veut elle nous malmène,
Elle a injecté dans nos joies comme une anesthésie,
Souviens-toiSouviens-toi de ces sourires, ce sera plus jamais les mêmes.

Le temps s'est accéléré d'un coup et c'est tout mon futur qui bascule,
Les envies, les projets, les souvenirs, dans ma tête y'a trop de pensées qui se bousculent,
Le choc n'a duré qu'une seconde mais ses ondes ne laissent personne indifférent,
" Votre fils ne marchera plus ", voilà ce qu'ils ont dit à mes parents.

Alors j'ai découvert de l'intérieur un monde parallèle,
Un monde où les gens te regardent avec gêne ou avec compassion,
Un monde où être autonome devient un objectif irréel,
Un monde qui existait sans que j'y fasse vraiment attention.

Ce monde-là vit à son propre rythme et n'a pas les mêmes préoccupations,
Les soucis ont une autre échelle et un moment banal peut être une très bonne occupation,
Ce monde là respire le même air mais pas tout le temps avec la même facilité,
Il porte un nom qui fait peur ou qui dérange : les handicapés.

On met du temps à accepter ce mot, c'est lui qui finit par s'imposer,
La langue française a choisi ce terme, moi j'ai rien d'autre à proposer,
Rappelle-toi juste que c'est pas une insulte, on avance tous sur le même chemin,
Et tout le monde crie bien fort qu'un handicapé est d'abord un être humain.

Alors pourquoi tant d'embarras face à un mec en fauteuil roulant,
Ou face à une aveugle, vas-y tu peux leur parler normalement,
C'est pas contagieux pourtant avant de refaire mes premiers pas,
Certains savent comme moi qu'y a des regards qu'on oublie pas.

C'est peut-être un monde fait de décence, de silence, de résistance,
Un équilibre fragile, un oiseau dans l'orage,
Une frontière étroite entre souffrance et espérance,
Ouvre un peu les yeux, c'est surtout un monde de courage.

Quand la faiblesse physique devient une force mentale,
Quand c'est le plus vulnérable qui sait où, quand, pourquoi et comment,
Quand l'envie de sourire redevient un instinct vital,
Quand on comprend que l'énergie ne se lit pas seulement dans le mouvement.

Parfois la vie nous teste et met à l'épreuve notre capacité d'adaptation,
Les 5 sens des handicapés sont touchés mais c'est un 6ème qui les délivre,
Bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction,
Ce 6ème sens qui apparaît, c'est simplement l'envie de vivre.

Ma tête, mon coeur...

Le corps humain est un royaume ou chaque organe veut être le roi,
Il y a chez l'homme 3 leaders qui essayent d'imposer leur loi,
Cette lutte permanente est la plus grosse source d'embrouille,

Elle oppose depuis toujours la tête, le coeur et les couilles.
Que les demoiselles nous excusent si on fait des trucs chelous,
Si un jour on est des agneaux et qu'le lendemain on est des loups,
C'est à cause de c'combat qui s'agite dans notre corps,
La tête, le coeur, les couilles discutent mais ils sont jamais d'accords.

Je vous laisse découvrir la suite, truculente !

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Commentaires
L
Je vais écouter le deuxième aussi vite que possible...
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L
trsè mordue ici aussi, des 2 albums, peut-être un peu plus le 1er quand même... observateur et précis... j'aime bien ça !
Répondre
A
Ah ma belle, le SLAM c'est pas vraiment du RAP ;) Bon, moi j'accroche pas trop malgré la beauté des textes.
Répondre
L
@ Dominique, merci pour votre visite, ça me fait penser que je n'ai pas encore acheté ni lu Pédiluve !!!
Répondre
D
Bravo pour le coup de coeur. Kif kif : j'ai eu le même.<br /> Bises.<br /> Dominique (Resch, l'auteur des Poules et de Pédiluve.)
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