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Lectures et élucubrations de Liliba
1 juin 2008

Il y avait comme une ombre au tableau

 

 

 

 

 

 

Au grand dam de ses parents, Camille fut une adolescente quelque peu difficile. Rien ne les y avait préparé : ni l'enfance calme de la petite fille, ni son caractère alors gai et facile, et surtout pas les principes et les traditions enseignés dès leur plus jeune age aux enfants de leur milieu...

 

 

 

Quand, du haut de ses quinze ans, Camille commença à leur répondre avec insolence, à proférer un "non !" catégorique et péremptoire en réponse à toute question, ou suggestion de leur part, à partir bouder dans sa chambre en claquant la porte, à ne plus travailler en classe, à ne pas respecter les horaires familiaux, ni les tâches ménagères réparties entre chacun... bref, quand elle entra avec fracas dans sa crise d'adolescence, ils ne s'inquiétèrent pas trop. Elle était leur cinquième enfant, et ils en avaient vu d'autre ! Ils sauraient bien faire face et ramener au plus vite leur cadette dans le droit chemin... Malheureusement pour eux, les parents de Camille étaient beaucoup trop confiants en leurs pouvoirs parentaux, et pas assez lucides quant à la personnalité de leur fille...

 

 

 

Celle-ci, au fur et à mesure que les éruptions de boutons s'espaçaient, tandis que les jours où selon son bon vouloir elle daignait s'habiller et se coiffer augmentaient, celle-ci donc, tel un papillon sortant de sa chrysalide, se transformait en une très jolie, quoique pas encore très charmante jeune fille. Il manquait encore pour cela un vocabulaire approprié et quelques bonnes manières, pourtant inculquées dès le plus jeune âge, mais dont le sujet avait oublié les rudiments...

 

 

 

Sa personnalité pourtant, se forgeait, se précisait, et l'enfant volontaire qu'elle était devint une jeune personne impérieuse, autoritaire, voire même parfois tyrannique. Elle décida de n'être pas une femme soumise (comme sa mère), et mena donc son petit monde à la baguette, et surtout les jeunes garçons, voire les hommes moins jeunes qui croisaient son chemin. Son charme était indéniable, et mêlé à son caractère de feu, elle était la reine partout où elle allait : une reine qui commandait, se faisait obéir, ou sinon punissait et bannissait le ou la coupable.

 

 

 

Elle se remplit également la tête de grandes idées, se passionna pour le Portugal (mais pourquoi donc le Portugal ?), voulu s'inscrire au Parti Communiste, devenir mannequin, puis actrice de théâtre, et fut renvoyée de deux écoles pour incitation à la révolte... Elle s'enflamma ensuite pour l'humanitaire, elle qui ne supportait que le luxe dans lequel elle avait évolué depuis son plus jeune âge, et après moultes crises familiales, claqua finalement la porte de la demeure ancestrale (qui n'avait jamais vu ça !) et s'envola vers l'Afrique, où elle passa un an.

 

 

 

Sur cette année, les parents de Camille restent très discrets. Peut-être ne savent-ils pas exactement comment et de quoi vivait leur fille, et plus probablement désirent-ils oublier cette période sombre. Aujourd'hui encore, bien des années après, ils se souviennent de leurs angoisses, de leurs colères, des punitions infligées, et surtout de la candeur et du calme insupportables de leur fille quand ils la sermonnaient... et cela les fait maintenant sourire... Que de stress engendré par les enfants ! Mais ils refusent discrètement de répondre quand on les questionne sur l'année africaine de Camille... Ils ne veulent plus en entendre parler, car, parfois, ils se demandent s'ils ne sont pas coupables, et si tout n'est pas de leur faute... Peut-être ont-ils failli dans leur éducation, peut-être auraient-ils du être plus sévères, ou plus conciliants, ou moins... Peut-être alors ne serait-elle pas partie pour ce continent lointain...

 

 

 

Certes, Camille est mariée maintenant, et mère de deux gentils enfants, et elle ne leur pose plus de problèmes comme autrefois, mais, tout de même, oui, tout de même... Elle aurait bien aimé que la réalité soit un peu moins noire... Quand elle contemple la photo de famille qui trône sur la cheminée du salon, Madame de la Rigolette trouve qu'il y a comme une ombre au tableau, quelque chose qui cloche, qui choque, et qui la chagrine fortement, bien qu'elle s'en défende. Pourtant, tout le monde y est présent, souriant, l'air heureux, ses cinq enfants avec leur conjoint respectif, et tous les petits enfants, quinze cette année, oui tout le monde est là ... et c'est justement ça qui la gène. Bon, oui, elle le concède, elle fait un... comment dit-on cela dans le jargon moderne, elle fait un blocage psychologique... Elle sait que cela n'est pas bien, elle l'a même avoué à confesse, mais elle ne peut pas s'en empêcher... Elle a beau faire semblant devant ses amies, faire la fière, jouer le jeu du modernisme et de l'ouverture d'esprit, elle aurait tout de même bien aimé que sa fille, sa jolie Camille, la dernière née du Comte et de la Comtesse de la Rigolette fasse un plus beau mariage... Son époux est charmant, bien élevé, fils de diplomate, oui certes, mais décidément, elle ne s'y fait pas... Elle frémit rien qu'à l'idée que sa fille porte maintenant le nom de Madame Mamadou M'Doua...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
L
Merci Flo, ça m'encourage à continuer tous vos petits mots gentils !
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F
Continue à écrire, tu as du talent, et tes cernes sont méritées au vu de tes écrits. <br /> Bises.
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L
NIFON, t'as un vilain nom (enfin, surnom !!!), mais je t'aime ! Merci pour tes mots qui me touchent (comme toujours).
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N
je suis admirative, je suis toujours pendue à tes mots quand je te lis, j'ai envie de connaitre la fin mais j'ai envi que les mots ne s'arrêtent pas... tu me régales. Petite boule dans la gorge pour être aussi honnête, les relations mères filles sont parfois douloureuses... j'en sais quelque chose ! promis je vais changer de pseudo !!
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L
Marie-Catherine, tu as raison ! Je n'avais pas pensé à voir les choses de l'autre angle !<br /> <br /> Majic... arrête, je vais finir par devenir prétentieuse et imbuvable !!! Pas encore reçu ton livre, je te tiens au courant !
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