Le divan
Parfois, elle ferme les yeux et se met à rêver... La chambre est dans la pénombre, la lumière est reposante, douce... Elle est à demi allongée sur le sofa, alanguie, comme après l'amour...Elle est nue, avec juste un diamant autour du cou, accroché par un noeud et un bracelet d'or qu'elle ne quitte jamais. Elle sent sur son corps l'air tiède, ainsi que la caresse des draps de soie et du brocart. L'azalée qu'elle a accroché à sa chevelure embaume l'air... Elle voit la servante noire s'approcher d'elle et lui tendre un bouquet de fleurs et elle joue avec sa mule, qu'elle balance du bout du pied...
"Arrête de bouger !" La voix la ramène brusquement à la réalité. Elle ouvre les yeux et la confrontation de sa situation actuelle avec celle de sa rêverie la ferait presque rire, si elle en avait le droit... Mais non, elle ne doit pas bouger, même pas frémir, juste rester là, et attendre. Elle regarde la pièce, une petite pièce sombre, sale, emplie de vieux meubles disparates. Cela sent le renfermé, ainsi que le solvant, ça pique un peu les yeux... Et puis elle a froid, et elle commence à avoir des courbatures, elle voudrait se lever, se dégourdir les jambes, et rentrer chez elle. Elle a mal au dos sur ce divan miteux et tout défoncé sur lequel elle prend la pose depuis maintenant plus d'une heure. Elle en a marre.
Mais il n'a pas terminé. Elle voit ses mains effectuer de grands gestes, et le pinceau courir sur la toile. Il prend des airs, regarde la toile, recule, fronce les sourcils, se rapproche et rajoute une touche de couleur dans un coin... Mon Dieu, se prendrait-il pour Manet peignant Olympia ?